Betancourt libérée : la presse et les bobos soulagés

Depuis jeudi 3 juillet, la France célèbre la libération de la « franco » colombienne Ingrid Betancourt. Ici au FNJ Savoie, nous prenons l’évènement pour ce qu’il est, c’est-à-dire un fait d’actualité parmi d’autres.
Nous ne pouvons comprendre ni cautionner le battage médiatique qui a lieu depuis 2002 autour d’une femme qui pu bénéficier d’une mobilisation de l’establishment politique français dans son intégralité et du soutien d’une opinion publique manipulée, en raison de son appartenance à l’oligarchie des puissants – et notamment des liens qui unissent la famille Betancourt à l’ex premier ministre De Villepin.
A vrai dire nous pensons même que la France n’aurait pas du s’impliquer dans une affaire qui en réalité ne la concerne pas, puisque Mme Betancourt bien qu’abusivement parée du qualificatif de « franco colombienne » est avant tout une colombienne jusqu’au bout des ongles. En effet une femme qui ne s’exprime qu’en espagnol, à l’instar de ses enfants au cours de leurs multiples suppliques surmédiatisées lancées aux FARC pendant les six dernières années, et qui surtout a été candidate aux élections présidentielles colombiennes ne peut être décemment considérée comme une citoyenne française. A moins qu’il ne soit possible de faire de la politique dans un pays tout en étant citoyen d’un autre.

Cette vaste campagne pro Betancourt qui dure depuis 2002 s’est donc achevée jeudi, sous les vivats d’une population française qui consomme l’épopée Ingrid comme autant d’émission de télé réalité, galvanisée par les larmes et révoltes surfabriquées des stars du show bizz et des spécialistes de la communications qui gravitent autour des politiques.
Betancourt ? Un simple argument marketing pour stigmatiser la guérilla marxiste, tenter de discréditer les puissances non alignées d’Amérique Latine, le Venezuela et son président Chavez en tête, que l’on accuse de connivence avec les FARC tout en prenant soin d’occulter les méfaits sordides du président Uribe et de sa mafia narcotrafiquante à la solde des USA.
Un Uribe qui grâce au soutien de Washington peut librement faire régner un terrorisme d’état dont sont victimes chaque année leaders syndicalistes, paysans et journalistes (pour lesquels la Colombie reste un des pays les plus dangereux du monde), et qui semble étrangement jouir des faveurs de l’état français, et surtout de celles d’Ingrid Betancourt qui demande au président Chavez et au président de l’Equateur Rafael Correa de « retrouver les liens d’amitié, de fraternité et de confiance avec le président Uribe. C’est une étape essentielle pour pouvoir obtenir d’autres libérations unilatérales »
Voilà qui a le mérite d’être clair ; la libération des otages colombiens dont Betancourt est la porte parole passe par le rapprochement avec l’extrême droite libérale d’Uribe, et donc avec son suzerain l’Oncle Sam.
Nous ne nous étalerons pas plus sur les relations d’Uribe avec l’administration Bush ou sur les exactions des paramilitaires financés par cette dernière, qui ne sont pas étrangères à la naissance de la guérilla marxiste.
Nous nous contenterons de pointer du doigt les quelques failles de cette grotesque mise en scène, telle que la réapparition d’une Ingrid Betancourt souriante, rayonnante et déjà prête à envisager la suite de son combat politique, elle qui quelques mois en arrière était au bord de l’agonie et probablement atteinte d’une hépatite B…l’air vivifiant de sa « douce France » sans doute.
Manipulation ? Peut être.

Il se peut néanmoins que Betancourt ait été réellement enlevée et malmenée par ses ravisseurs ; encore faut-il, avant que d’en faire une héroïne de la « liberté », s’interroger sur les raisons probables de son enlèvement.
Celles-ci résident peut être dans le caractère oligarchique du clan Betancourt, l’un des plus gros propriétaires colombiens, ces maîtres exploitants qui entretiennent des liens tout particuliers avec les troupes paramilitaires, de tout temps utilisées par la bourgeoisie pour se prémunir de tout sursaut populaire. Cette bourgeoisie qui par son arrogance et son mépris du peuple, est seul responsable du ralliement de ce dernier à la cause des FARC qu’elle souhaite voir disparaître et que paradoxalement elle maintient en vie.

Attention donc à ne pas sombre dans la vision manichéenne de la politique que voudraient nous imposer les laquais du Nouvel Ordre Mondial, par le truchement de nouvelles idoles médiatiques telles que Betancourt, aussi artificielle qu’une pop star.

Michael Guerin
Secrétaire départemental FNJ Savoie
Responsable régional FNJ Rhône Alpes

Nous n’avons pas la prétention de connaître la réalité complexe de la situation colombienne. Aussi mettons nous à la disposition des lecteurs désireux d’en savoir plus sur la question, des articles de Danielle Bleitrach, anciennement membre du comité central et du comité national du PCF, dont elle s’est depuis détachée du fait de ses positions anti système qui ne s’accommodent pas de la ligne libérale libertaire de la gauche française.
Bien que n’appartenant pas à notre famille politique, ses analyses sont d’une étonnante perspicacité, d’autant plus que Mme Bleitrach axe l’essentiel de ses travaux sur l’Amérique Latine